Un fils du Lion nous a quittés

Hommage rendu à Raymond GENTES lors de ses obsèques

à Nîmes le 19 octobre 2017

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Raymond GENTES est né le 15 décembre 1921 à Sabres (Landes) dans une famille de métayers landais. Il suivra ses parents dans les Bouches du Rhône  à Cuges-les-Pins en 1922 puis en 1927, dans l’Aude à Boutenac où s’est fixée durablement la famille. Rien ne le prédestinait à une carrière militaire si ce n’est, peut-être, la très belle croix de Guerre que son père avait ramené de la Grande Guerre et les lointains souvenirs du grand—père qui avait fait son service militaire en Algérie à la fin du XIX° siècle.

A quatorze ans il quitte le soleil du midi pour entrer à l’Ecole Militaire Préparatoire de Billom qu’il décrit comme une « agglomération froide et triste, aux rues étroites  pavées de galets inégaux que traverse un égout à ciel ouvert ». Après trois années d’enseignement primaire supérieur, il rejoint en 1938 les toits multicolores de l’l’Ecole Militaire Préparatoire d’Autun : « Contrairement à l’école de Billom murée comme isolée du monde, ici la vue porte jusqu’à l’horizon lointain… » note-t-il. On sent déjà poindre le goût du voyage.

Dans cette école, les études purement scolaires achevées, Raymond GENTES aborde la formation militaire à laquelle est destiné tout enfant de troupe. Il rejoint, à l’automne 1939, le peloton d’élèves sous-officiers d’artillerie de l’EMP d’Autun. La guerre est déclarée et au peloton d’Artillerie, on s’y prépare sérieusement sous les ordres d’un vétéran de 14/18, l’adjudant Camille GRANGERET  qui très vite méritera par sa foi et son enthousiasme le surnom du « Lion ».

Eberlué les enfants de troupe assistent en juin 1940 à la débâcle de l’Armée française et singulièrement à celle de l’état-major qui depuis quelques jours s’était replié dans leur école. Sidéré, rongeant son frein, fidèles à la devise de l’école « Pour la Patrie, toujours présents », Raymond GENTES a déjà signé avec ses camarades une pétition demandant à aller en première ligne. Mais si la pétition est allée directement au panier, les premières lignes s’approchent sérieusement d’Autun. Et, le 16 juin 1940, les trente adolescents du  peloton d’Artillerie de l’Ecole Militaire Préparatoire d’Autun reçoivent l’ordre de stopper l’avance ennemie sur la route de Saulieu à hauteur de Surmoulin-sur-Arroux. Sans sourciller, les enfants de troupe prennent position face aux blindés allemands… puis reçoivent l’ordre de revenir à l’école. C’est dans les rues d’Autun que Raymond GENTES recevra le baptême du feu le même jour, pris à partie par des tireurs non identifiés. Mais c’est le lendemain 17 juin 40 qu’il vivra son premier vrai combat lors d’une embuscade montée avec succès contre une petite colonne motorisée allemande à Toulon sur Arroux. Le bilan est significatif : aucune perte chez les enfants de troupe et douze morts en face, sans compter les blessés et les véhicules détruits.  

Ayant reçu une mission, d’estafette isolée le 18 juin 1940, Raymond GENTES est brièvement capturé par une unité de reconnaissance allemande. Bien que blessé,  il s’évade au bout de quelques heures. Une fois rétabli dans une ferme des environs, ayant récupéré sa jument recueillie un peu plus loin, il lui faudra  une chevauchée solitaire de quatre jours, pour rejoindre l’école d’Autun repliée à Chameyrat (Corrèze)  et la suit à Valence (Drôme) où elle se replie.

L’armée d’armistice où sert ensuite le brigadier/chef GENTES en 1941 ne l’enthousiasme guère. Ayant entendu dire qu’en Afrique du Nord on préparait revanche et Libération, il obtient, avec d’autres camarades AET sa mutation à Oran en 1942. Maréchal des Logis en 1942, Maréchal des Logis/Chef en 1943, titulaire du Brevet de Chef de section, il a le bonheur, d’une part de rencontrer dans cette ville celle qui deviendra son épouse et la mère de ses enfants, mais aussi de rejoindre la 2° DB en formation.

Avec Leclerc il vivra en Angleterre la préparation au combat, la bataille de Normandie, la ruée sur Paris, la charge héroïque sur Strasbourg, la joie de respecter pleinement le serment de Koufra auquel il a adhéré lorsqu’il a eu l’honneur de revoir  l’écusson d’or portant « sur une France, une  croix de  lorraine ».

Malgré son jeune âge (il n’a pas encore vingt –trois ans sur la place Kléber) Raymond GENTES a fait la preuve de ses grandes qualités humaines et militaires au cours des combats de cette longue chevauchée désormais légendaire qui est celle de la 2°DB. Il n’ira pas en Allemagne ni en Autriche puisqu’il est choisi pour rejoindre la 4° promotion d’élèves-officiers de Cherchell.

Revenu en Afrique du Nord,  Raymond GENTES reçoit une croix de Guerre bien méritée, les galons d’aspirant et, l’Allemagne ayant capitulé, il profite de cette période un peu plus calme  pour épouser sa belle oranaise.

Malgré des conditions de vie précaires, le jeune couple bénéficiera de quelques années de paix dans cette France en reconstruction, à Bourges, Mulhouse, à Rouffach et au Valdahon. Le sous-lieutenant GENTES découvre le nouveau matériel radar, se spécialise dans les transmissions de l’Artillerie et vient faire à Nîmes un stage dans l’Artillerie anti-aérienne. Ce sera un tournant sinon dans sa carrière tout au moins dans sa vie puisque, à l’instar de certaine épouse que nous connaissons bien, madame GENTES tombe amoureuse de la ville.

Mais la guerre rappelle le lieutenant Gentes. L’Indochine est gourmande en jeunes officiers. Il embarque en septembre 1951 sur le Pasteur. C’est la relève que conduit De Lattre : avec la ferme intention de renouer avec la victoire, il se fait accompagner par les meilleurs. Les âpres combats du Tonkin voient Raymond GENTES appuyer avec brio les unités de Légion et de la Coloniale. Ses batteries font merveille et il met au point un système de transmission qui lui vaut d’être appelé à l’Etat-major de l’Artillerie à Hanoï. De Lattre,  malad, ayant vu son fils mourir sur le Day, est parti et Salan l’a remplacé. En fin de séjour, c’est avec une joie non dissimulé que Raymond GENTES retrouve sur le quai d’Oran son épouse « dans la plénitude de sa beauté » écrira-t-il.

Mais bien que revenu vivre en famille, la guerre ne lâche pas le jeune Capitaine GENTES. Jusqu’en 1957 où il vivra la bataille d’Alger les opérations ne seront entre entrecoupées que par des stages de perfectionnement qui se déroulent à Nîmes où la famille finit par installer sa résidence principale…et où il est affecté pendant trois ans.

L’année 1960 le voit revenir en Algérie,  à Boudjima puis à Hussein Dey. Il y vit  le putsch,  l’OAS et l’indépendance… Rapatrié avec son régiment à Sissonne il enrage de repartir en septembre 1962 dans cette Algérie désormais indépendante où la vie des militaires français n’est pas facile.  Affecté à Blida au 1/404 RAA, il lui faut revenir à Nîmes le 14 octobre 62 pour prendre sa part d’un nouveau  combat : celui que mène son épouse contre une cruelle maladie. Ils en sortiront vainqueurs ensemble.

Un long séjour à Nîmes offrira au jeune chef d’escadron  Gentes, désormais membre de la Légion d’Honneur,  et à sa famille une période de calme bienvenue. Ce n’est qu’en 1970 qu’il ira visiter l’Allemagne manquée de très peu en 1944. Mulheim, haut lieu de l’artillerie des FFA où il commande en second le 53° Régiment d’Artillerie,  le verra faire valoir ses droits à retraite bien avant la limite d’âge de son grade de Lieutenant-colonel.

Raymond GENTES sera désormais cadre supérieur en entreprise, chargé de la formation continue puis de la sécurité de l’entreprise de travaux-publics qu’il quittera en 1982 pour jouir d’une retraite bien méritée.

Chevalier de la Légion d’Honneur, titulaire des croix de guerre 39-45 et TOE ainsi que de la Croix de la Valeur militaire, officier de l’Ordre National du Mérite, l’enfant de troupe Raymond Gentes, le « fils du Lion » élevé et formé dans le culte de la Patrie,  a accompli tout son devoir d’officier ainsi qu’il sied à « ceux qui savent depuis si longtemps servir ».

Epoux attentif, père, grand-père et arrière-grand-père, il a fait aussi tout son devoir d’homme.

Adieu Raymond, mon grand ancien de l’EMP d’Autun, que la terre de tes pères te soit légère.